Nous y voilà enfin!
La Bolivie : ce nom nous faisait rêver et nous inquiétait. Ce qu'on avait en tête avant d'arriver : des paysages incroyables, une culture préservée, un pays pauvre (le plus pauvre d'Amérique du Sud), une vie très peu chère, des montagnes de touristes localisés sur quelques sites, peut-être des soucis administratifs aux passages de frontière et pour récupérer de l'argent, une altitude nous obligeant à respirer comme des poissons hors de l'eau...
Il était temps qu'on y arrive et qu'on se fasse notre propre opinion! Alors, après avoir dépensé nos derniers pesos argentins dans la ville frontière de La Quiaca, nous nous dirigeons vers la douane. On avait une légère appréhension étant donné le climat diplomatique tendu entre la Bolivie et la France (suite à l'interdiction de survol du sol français de l'avion du présidient bolivien Evo Morales) : mais la diplomatie et la vraie vie sont différentes, nous sommes accueillis avec le sourire, nos passeports sont tamponnés rapidement, le seul problème étant que le visa ayant une durée de 30 jours, il faudra le renouveler au cours de notre voyage. Alors : bienvenidos en Bolivia!
C'est parti...
Les premiers kilomètres sont à la fois euphoriques et monotones : on sait qu'on pédale enfin en Bolivie, mais les paysages sont dans la continuité du nord de l'Argentine, entre steppes, maisons en brique de terre et couleurs andines. Nous sommes à plus de 3000m, et on devrait continuer à cotoyer le ciel dans les semaines qui viennent.
Alors qu'on s'attendait à continuer à traverser un paysage monotone, on s'enfonce soudainement dans une vallée fertile : l'eau redonne vie à la végétation et les villages se succèdent parmi les falaises rouge sculptées par l'érosion :
Nous arrivons à Tupiza, notre première étape dans une ville bolivienne. On prend nos marques en visitant la ville. Première constation : il n'y a pas de supermarchés, mais une multitude de marchés et de petits magasins. Il faudra faire 4 ou 5 magasins pour réussir à faire le plein, mais contrairement à ce qu'on nous avait dit jusque là, on y trouve de tout : fruits, légumes, viandes, fruits secs, bière, conserves... On redécouvre même du vrai pain et du fromage "frais". Tout simplement orgiaque. On espère que les prochaines villes boliviennes seront ausi bien achalandées...
Pendant cette pause, on part en balade vers le Cañon del Inca, à seulement quelques kilomètres de la ville : les formations rocheuses et les couleurs sont magnifiques, avec encore une fois très peu de touristes.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Nous devons repartir et nous savons que la suite du parcours n'est pas une partie de plaisir. Beaucoup de cyclos évitent le trajet Tupiza-Uyuni en prenant le train, car la route est soit-disant difficile... On aime de plus en plus faire des choses difficiles... Et dès la sortie de la ville, le spectacle est magnifique. Au détour d'un virage, on aperçoit la vallée, les montagnes multicolores et des formations rocheuses incroyables.
Lors de notre pause midi, on s'arrête à côté de la maison d'Aurora, qui nous invite (séquestre?) chez elle. Elle a de l'énergie à revendre et nous assome de questions. Comme elle n'a plus de gaz, on l'invite à manger nos nouilles cuites au réchaud.
Pendant qu'elle nous montre les photos de ses neufs enfants, les écoliers viennent lui acheter des bonbons et des glaces maison. Mais des glaces un peu spéciales : au lait de chèvre! D'ailleurs, il est l'heure, il faut qu'on aille l'aider pour la traîte... On ne fera que rattraper les chèvres et les tenir, mais pour nous, cette tâche est nouvelle et on se sent un peu gauche :
Voilà comment une simple pause déjeuner se transforme en rencontre imprévue. Elle aurait bien voulu qu'on reste plus longtemps, mais nous devons continuer notre route... On signe son carnet de voyageurs (!!!) et on enfourche nos vélos.
La suite de la route est effectivement mauvaise : c'est un ripio alternant tôle ondulée, rivière de galets et Sahara (vous êtes au point maintenant, non?). Alors, lorsqu'on aperçoit une piste secondaire dans le lit de la rivière, on n'hésite pas! Seul problème : il faut parfois traverser la rivière à vélo et bien évaluer la profondeur de l'eau. Ce que Tetef a raté une (seule) fois :
Le soir, heureusement, on se trouve un bivouac où on peut faire un feu pour faire cuire les pâtes, griller les saucisses et sécher les chaussures de Tetef en même temps...
Le lendemain, nous entamons une grande côte qui nous emmène à plus de 4000m d'altitude. Nous prenons notre temps pour monter, le manque d'oxygène se fait sentir dès que la pente est trop raide, mais, de là-haut, la vue est magnifique :
Ensuite s'enchaîne une longue série de descentes et montées, nous usant, nous fatigant et nous bousillant le dos (surtout Tetef...).
Nous croisons un cyclo, Dave, dans la même galère que nous (il n'hésite pas à pousser le vélo dans les côtes). Il arrive d'Alaska et prévoit d'aller jusqu'à Ushuaia. Malgré nos milliers de kilomètres, ça nous impressionne toujours autant. On échange quelques tuyaux et on continue chacun son chemin. C'est le 3ème cyclo qu'on croise depuis notre arrivée en Bolivie!
Un vent de face puissant rajoute à la difficulté de l'étape (le mot "calvaire" a été utilisé plusieurs fois par Bibou pour qualifier cette partie de l'étape) et c'est avec soulagement que nous arrivons à Atocha, pour profiter d'un repos mérité : restaurant le midi, "salchi-papa" le soir (knackis-frites) et hotel bon marché, situé à côté du train qui passe, toutes sirènes hurlantes, à 5 heures du matin...
Finalement, nous ne restons qu'une nuit à Atocha. Avant de partir, nous faisons quelques courses et, comme il est un peu tard, il n'y a plus de pain dans la ville! C'est un véritable jeu de piste pour trouver la "boulangerie", qui n'est en rien différente des autres maisons...
Après avoir pris quelques renseignements, nous apprenons que nous pouvons quitter la ville par la rivière, ce qui nous évite de gimper en sortie de ville. Effectivement, le dénivelé est plus simple, mais à plusieurs reprises, nous devons traverser la rivière :
En revanche, comme nous sommes en dehors de la route, il n'y a presque pas de trafic. On profite des paysages et on croise un grand troupeau de lamas sur notre chemin :
En fin de journée, rebelote : l'état de la route est catastrophique, le dos est secoué dans tous les sens, on essaie tant bien que mal de tenir l'équilibre et on est obligé de s'arrêter quelques fois pour pousser les vélos dans le sable...
Le lendemain, nous nous motivons pour atteindre Uyuni dans la journée. Il n'y a que 60 km, mais depuis qu'on est parti de Tupiza sur le ripio, on enchaîne des journées entre 30 et 45 km seulement à cause de l'état de la route et du dénivelé, alors c'est pas gagné... Mais ce matin, la route est un peu meilleure, on roule à plus de 15km/h, on a l'impression d'être des flèches! On a le luxe de trouver une piste cyclable en plein désert :
On dépasse plusieurs fois un 4x4 qui souffre sur la piste. Il n'y a pas que nous... En plus, les paysages sont variés : montagnes au loin, dunes de sable (qui nous obligent une ou deux fois à pousser le vélo), et même un petit salar :
Les derniers kilomètres vers Uyuni sont difficiles : la piste est de nouveau très mauvaise et la ville qu'on aperçoit au loin n'a l'air de ne jamais se rapprocher. On opte pour une piste qui longe le chemin de fer, non officielle et bien meilleure. Mais elle nous emmène directement dans la décharge "sauvage" de la ville, envahie par une multitude de porcs!
Et on s'imgine bien que tout ce qu'on va consommer dans le centre, sûrement bien entretenu, très propre, avec un large choix touristique, va terminer ici, bien à l'écart de la ville, en dehors de notre vue, éventrés par les porcs et disséminés par le vent... Ah, vive le tourisme et la consommation!
Nous entrons dans Uyuni par le cimetière de train. Les locomotives à l'abandon nous rappellent d'autres lieux, comme Temuco et Baquedano au Chili. Des tags sans intérêt cotoient d'autres qui nous surprennent ou nous font sourire :
Allez, pour bien terminer notre entrée dans Uyuni, on passe à côté d'une fosse pestilentielle (purin? sceptique? déchets d'abattoir?). Décidément l'entrée de ville ne restera pas dans les annales (ou alors notre top10 des pires arrivées?)...
Premières impressions de Bolivie
Depuis notre arrivée en Bolivie, on a pu découvrir de nouvelles habitudes, une nouvelle culture, tordre le coup à quelques clichés et s'immerger dans ce qui va être notre quotidien maintenant. Entre les villes, alors qu'on s'attendaient à des régions désertiques comme au nord du Chili ou de l'Argentine, il y a finalement de nombreux villages, certains avec des épiceries et des restaurants. On nous aborde souvent, pour nous demander où on va, pourquoi on voyage à vélo, ce qu'on pense de la Bolivie. On a même eu le droit à une interview pour passer sur radio Panamericana La Paz. Mais c'est parfois difficile de comprendre, vu que certains mâchent de la coca à longueur de journées... Pour le moment, on a traversé des paysages magnifiques, entre montagnes, pics rocheux, canyons et vallées. En ce qui concernent les villes, on trouve ici aussi des jeunes habillés "à la mode" écoutant de la musique sur leur portable, des dizaines de cyber pris d'assaut pour consulter Facebook ou jouer sur internet, il y a de nombreux distributeurs pour retirer de l'argent, aucun supermarché pour le moment mais des marchés et des petits magasins incroyables où on trouve de tout (il faudrait presque un article que pour ça...), des hôtels et des restaurants bon marchés qui vont nous permettre de moins utiliser notre réchaud... Vivement la suite!
Et un dernier point, sorte de leitmotiv de notre voyage : alors qu'il espérait secrètement en avoir définitivement terminé avec ça dans ce nouveau pays, dès le premier jour, Bibou crève! Et le lendemain, pour enfoncer le clou (haha...), il est obligé de réparer la roue avant ET la roue arrière qui sont à plat en même temps!
Et maintenant, repos!
Après avoir prospecté quasiment tout le centre ville d'Uyuni, on trouve enfin un hotel qui nous convient. On va sûrement y rester plusieurs jours : le dos de Tetef est en compote et a besoin de repos, et la ville semble aussi bien achalandée que Tupiza, ce qui va nous permettre de faire une vraie pause avant de continuer à travers le plus grand désert de sel du monde, toujours à vélo!
L'album complet est disponible au lien suivant :