Lorsque nous quittons le Parc National de la Terre de feu, il neige. Elle ne tient pas mais elle nous fait bien comprendre que nous sommes à présent sous des latitudes moins hospitalières. Lorsque nous quittons Ushuaïa en début d'après-midi, nous avons le droit à des éclaircies. Le spectacle des montagnes avec les sommets couverts de neige et ces rayons de soleil nous plaisent énormément. Surtout lorsque nous passons notre premier col, le paso Garibaldi, à 470m.
On pourrait croire que les paysages sont désolés, mais entre le relief, la mer, les lacs, la forêt et les animaux, nous ne regrettons pas d'être venu ici. Très rapidement on retrouve une route sans habitation à proximité. On en profite pour célébrer notre 8 000ème kilomètre.
Il y a un peu de trafic, quelques camions et quelques cars, mais souvent nous sommes seuls. Enfin pas vraiment, car sur ce trajet nous avons croisé pas moins de 24 cyclotouristes : 1 Japonais, 2 américains, 1 Franco-Canadien, des français en vélocouché, 1 autre Français avec 1 Suisse, 1 Espagnol et 2 Belges (dont Arnaud qui voyage depuis 3 ans et monte au sommet de chaque montagne de tous les pays d'Amérique...), 1 Allemand et 1 Zurichois, 1 Vénézuelien, 1 Chilien, 1 couple en tandem et 2 Vendéens, oui le monde est petit.
Enfin on se rend compte que nos 5 premiers mois de vélo nous étions hors des grands itinéraires de cyclotourisme. Mais ces rencontres sont vraiment passionnantes, que l'on discute quelques minutes ou plus d'une heure sur le bord de la route. Ce sont de vrais échanges sur le voyage : "Depuis combien de temps...? Vous venez d'où?... Nous on a aimé..." On apprend pleins de trucs et astuces pour le périple, on voit que certains sont partis d'Alaska, d'autres de Colombie, certains depuis plus d'un an ou le temps des vacances.
Dès le premier soir, on retrouve nos réflexes, on ouvre une barrière et on s'installe dans une clairière pour la nuit. Les jours suivants sont assez agréables, d'autant plus que le vent est plutôt en notre faveur. On passe une nuit à Rio Grande chez Gerardo que nous avions rencontré à Ushuaïa. Puis nous nous dirigeons vers la frontière, on ne la franchit pas tout de suite car apparement les Chiliens sont à cheval sur les aliments (notamment la viande ahaha), on ne peut pas rentrer dans le pays avec des produits périssables. Qu'à cela ne tienne, on dévore le soir et au petit déj nos stocks. On passe donc la frontière sans soucis, nous voilà donc au Chili, notre 5 ème pays!
Depuis plusieurs jours le paysage a changé. On trouve de la végétation comme le trèfle, le pisenlit et du lupin (c'était la minute botanique...). Il n'y a plus d'arbres, ce sont de grands espaces, avec moutons, des ñandus (ou émeus) et surtout nos nouveaux amis les guanacos.
La steppe est balayée par le vent. Celui-ci joue les capricieux car il nous pousse sur toute la première partie de notre trajet au Chili, c'est un comble pour les cyclo que l'on croise, car habituellement le vent vient de l'Ouest...
On ne va pas s'en plaindre, surtout que depuis la frontière on roule sur des chemins en pierres. Mais les cyclos, à quelques jours de leur arrivée à Ushuaïa, font grise mine... On fait un dernier bivouac sur les hauteurs de la baie Inutile. Bibou a une théorie pour le nom : apparement les marins pensaient que c'était un détroit et comme c'est pas le cas ils l'ont appelée baie inutile (PS de Bibou : "Non, ce n'est pas une 'théorie'..."). En tout cas, le bivouac face à la baie, avec le soleil pour nous réchauffer, est unique :
Voilà qu'apparait le détroit de Magellan, nous le traversons à l'aide d'un bac à Porvenir. On est même accompagné par des dauphins.
Nous passons 3 jours à Punta Arenas chez les pompiers, un des tuyaux des cyclos. Comme ils sont jumelés avec la Lozère, ils accueillent tous les Français. Ça nous a fait tout drôle lorsque Ruben nous a accueilli avec son polo "Sapeurs pompiers", puis de voir le drapeau français et même le portrait de François Hollande. On a mis la tente derrière les bâtiments et on a pu profiter pour découvrir la ville.
Punta Arenas est une grande ville par rapport à Ushuaïa. Elle possède de très beaux édifices, monuments et musées. Sur la place principale il y a une statue de Magellan, et oui bientôt 500 ans qu'il est passé par là, c'était en 1520...
Bibou profite de cette étape pour changer son pneu avant, car oui même en Terre de Feu il a eu une crevaison et l'état du pneu laissait à désirer.
Nous quittons la ville et ses pompiers sympas. Le vent qui s'était calmé reprend des forces et nous savons que nous allons avoir plus de difficultés les jours suivants. Mais pour profiter pleinement de la région nous décidons d'aller voir une colonie de pingouins. Ah enfin nous allons pouvoir les approcher, sans trop débourser et surtout pas besoin de prendre un bateau. Bon il nous a tout de même fallu prendre une route en terre sur 38 km. Première déconvenue : on nous apprend que la boucle que nous souhaitons prendre est maintenant privée, on devra donc faire demi tour après avoir vu les pingouins (re-38 km de piste...). Enfin au moment d'entrer pour voir les volatiles on nous dit qu'il y en a "poco". " C'est combien poco?" " Euh 25..." En effet se faire 38 km de piste pour voir 25 pingouins, c'est rageant.... La colonie compte normalement 10 000 individus, mais avec un peu d'avance, ils ont déjà migré vers d'autres horizons! Mais bon on y va quand même et c'était chouette de les voir nager et prendre le soleil.
Les jours suivants nous poursuivons notre route, on croise peu de villages. Le temps est calme le matin, mais à partir du milieu de matinée, le vent se lève, venant d'Ouest (peut-être un petit 40km/h, à vérifier...). Et comme nous remontons vers le nord ouest, nous le prenons de côté ou même en face. Nous avons 3 journées difficiles avec le vent de face, on se relaie, on avance petit à petit, et en fin de journée, nous sommes épuisés.
Mais nous rencontrons nos nouveaux amis, les Carabiniers. Quand nous leur demandons de l'eau, ils nous en donnent volontiers et ils nous offrent même du pain maison. Il y en a qui nous laissent mettre la tente dans leur abri pour le bois. Au moins on était protégé du vent... mais pas du bruit du générateur d'électricité pour le village. Bref on a dormi au sec mais pas très bien.
Un après-midi on croise Martial qui s'occupe de transporter des touristes entre les hotels de Torres del Paine et l'aéroport de Punta Arenas, il s'arrête, discute et nous offre de l'eau, des fruits secs et des sandwichs que les touristes n'ont pas mangé. Quelle aubaine, car on croise pas beaucoup de boutiques sur notre chemin...
L'avant dernier soir, on ne résiste pas, on croise le seul restaurant du parcours, à nous les milanaises, les frites et la bière australe. C'était bon mais la patronne n'a même pas acceptée qu'on prenne de l'eau pour nos gourdes alors qu'on a payé nos repas... Décidément, dans les lieux touristiques, on ne se sent pas toujours bien accueillis!
En tout cas ces 15 jours dans le sud changent un peu notre manière de voyager. Avant nous faisions de grandes pauses,pour ne pas souffrir de la chaleur. Maintenant nous pédalons pour avoir chaud et lorsqu'on s'arrête on cherche des coins à l'abris du vent et avec du soleil, parfois dans les fossés!
On ne vous cache pas que la toilette est moins fréquente. Nos repas sont composés de soupes et on boit moins d'eau qu'avant. Pour dormir, nos gros duvets nous tiennent au chaud et la tente garde un peu la chaleur. Bon le réveil le matin est plus difficile. S'extraire du duvet et enfiller les vêtements froids c'est pas génial.
Nous arrivons à Puerto Natales en ayant traversé de beaux paysages, ce fut difficile avec le vent de face, mais la générosité et l'hospitalité des Chiliens nous a aidé.
Nous comptons nous y reposer un peu avant de nous rendre dans les grands parcs nationaux : Torres del Paine, puis Los Glaciares de nouveau en Argentine...
L album complet est disponible au lien suivant :